Bauhaus à Dessau - 1919-2019 - le Musée du Centenaire / Modernité, pureté, collectivité, jusqu'au dysanthropisme

Ce billet est optimisé pour un écran 16/9.

Pour ses pièces exposées, le musée du Centenaire du Bauhaus à Dessau est exactement ce que j'en attendais. Même si j'adhère moins aux œuvres graphiques qui ne montrent pas des gens, mais c'est l'esprit artistique radical. Je livre ici mon bavardage à côté de mes cours que je faisais en allemand avec mes étudiants en Design ou en Architecture.

J'ai un énorme faible pour Oskar Schlemmer pour son Escalier bleu dans le Bâtiment du Bauhaus peint en 1932, pour ses représentations de l'humain en animation suspendue, sans affect, sans affichage, mais très loin d'être vide, et pour son Triadisches Ballet, son Ballet Triadique de 1922, qui montre que le mouvement normal est une disproportion, une indisposition et une illusion.

Et ici vous trouverez mes photos de l'exposition Oskar Schlemmer que j'ai visitée avec mes étudiants en Design et en Architecture en 2016 à Cracovie au musée de Tadeusz Kantor.

Je pense que Oskar Schlemmer, nommé pour 3 ans Maître de forme de l'atelier de sculpture du Bauhaus par Walter Gropius, a montré avec ses peintures et le Ballet triadique que l'écriture habituelle du mouvement de soi, qu'expose l'homme dans son espace qu'il s'est défini comme étant son baldaquin, n'est qu'apocryphe car l'homme, qui ne cherche qu'à se transcender, a oublié son attraction animée dans le Tout.

L'homme s'est isolé exactement à la jonction du behaviour et de la Gestalt, s'y ment, et est incapable de se concevoir autrement que comme un conflit entre projection, avec laquelle il se donne corps et esprit, et inspiration avec laquelle il se raconte, il se conduit, il se procure de la consistance. Si Oskar Schlemmer était né au-dessus du Cercle Polaire il aurait été à la foi dans la peau d'un Lapon et d'un renne quelque part entre soleil et ombre où les zéniths ne sont habités que par les étoiles et où les azimuths n'ont pas à avoir de sens sur l'horizontalité offerte de la toundra. (Photo à droite: un Lapon entre Honningsvåg et Nordkapp, juillet 2016).

Oskar Schlemmer met en suspension, comme le peintre Edward Hopper, l'Homme.
Il le dépose ailleurs, juste là où il est.

Selon les critiques d'art cette suspension de l'Humain se fait dans sa solitude pour Edward Hopper, et pour Oskar Schlemmer elle se fait dans la Entpersönlichung - la dépersonnalisation. Un Asperger y trouve de loin compte et résonance, un tout venant y est dérangé, disgracié, affligé, évidé et regarde par contenance.

Nous ne sommes pas face à un nouveau palimpseste raffiné ou époustouflant de présences liées de leurs absences. J'y trouve une telle élévation de l'Homme sans revendication de territorialité, de propriété mentale, d'appartenance à du bavardage et d'apprentissage de l'ambiance avec attitude. Ici, j'éprouve un bonheur heureux qui est décortiqué avec soin de toute justification et d'attente, sans attente de l'autre mais tout autant sans révulsion.

Regardez bien ci-dessous son tableau avec l'escalier bleu, aucun des étudiants du Bâtiment du Bauhaus ne cherche le contact avec un autre,
ils mènent tous leur vie propre sans autre interconnexion que le lieu où ils sont en mouvement. Êtes-vous inquiets? Avez-vous peur?

Ici, c'est l'équation terrible que Oskar Schlemmer remet à sa place, celle de la douceur et du silence. Y êtes-vous prêts? Är du beredd?
Et l'équation du dessin au fusain de l'Homme qui ne demande pas d'être borné à la moindre des antennes de la conviction.
Plus personne n'a à persuader. A se contacter. A se dévaliser. Pas de mots. Existence. Transparence. Danse.

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Il faut toute fois savoir raison garder.

L'exposition du Centenaire du Bauhaus à Dessau reste muette sur une autre face du Bauhaus et préfère le montrer seulement comme une victime du nazisme de Weimar à Dessau.
Il n'y a seulement à la sortie de ce tout nouveau musée qui lui est dédié une unique coupure de presse à plat dans une vitrine horizontale et que l'on ne peut pas voir de loin.
Elle est sans commentaire, n'est pas éclairée et est assez ambigüe pour que l'on n'en comprenne pas vraiment le sens. Je ne l'ai pas photographiée.

L'Homme, chez Oskar Schlemmer, qui épouse la forme fondamentale et qui se sent mouvoir dans sa pureté rationnelle et être de tout son poids,
n'est pas l'Homme avec le savoir holistique de son poids en correspondance avec le Tout du Lapon au-dessus du Cercle Polaire.

Pour Oskar Schlemmer et le Bauhaus, "der Mensch ist das Maß aller Dinge - l'Homme est la mesure de toute chose".
A mon avis, cette Weltanschaung face à l'Homme, ce que l'homme s'offre de concevoir comme son nouveau métabiotope liturgique, peut conduire, et a souvent conduit, dans le Bauhaus et aussi dans les mystères de Oskar Schlemmer à l'apogée de sa réussite, à une telle mise en culte de l'épicentralité superlative de l'Homme qu'elle a adhéré avec ses allégeances, intuitivement et de manière induite, à la folie criminelle nazie de l'homme pur et parfait répondant à une loi organique et eugénique.

Schlemmer avait proposé au Reich avec sa "Volksgemeinschaft - Communauté nationale et raciale" une sculpture murale de 130 mètres de long représentant de jeunes hommes faisant le Hitlergruß - le salut nazi avec en leur centre un éphèbe incorporant un dieu-soleil dans l'esprit des grandes démonstrations de masse de propagande politique du nazisme à Nuremberg. Selon Schlemmer sa sculpture murale devait "éduquer à guider et à être guidé".

En France Céline est dénoncé sans ambiguïtés pour ses criminelles allégeances et ses écrits virulents homophages contre les juifs. Schlemmer avait écrit: "Je me sens moi-même pur et mon art correspond aux principes du National-Socialisme à savoir l'héroïsme, le romantisme aussi solide que l'acier, l'être sans sentimentalité, la rigueur, la dureté, la clarté, la représentation de l'homme travailleur et productif..." Comme le parti allemand néo-nazi AfD actuellement, Schlemmer avait repris en boucle textuellement les paroles de Goebbels inaugurant la Reichskulturkammer. Schlemmer disait et écrivait publiquement avec fierté qu'il n'appartenait pas à la "Judenclique - clique de juifs" (  <<< voir page n°6).

Le fondateur du Bauhaus, Walter Gropius, ne se cachait pas non plus d'être antisémite et avait construit comme Mies van der Rohe des bâtiments publics ornés de croix gammées. Schlemmer, qui avait officiellement proposé et offert au régime nazi et directement à Goebbels les principes de "Staatskunst - Art Officiel" et de la "Deutsche Ikonographie", avait mis de très longues années à comprendre sa déshérence mentale dans le mal.

En 1929 Schlemmer avait rompu prématurément son contrat de 3 ans avec le Bauhaus. La fermeture et la dissolution avec violence du Bauhaus à Dessau par les nazis en 1933 n'avait pas empêché Oskar Schlemmer de devenir dès 1934 membre de la Reichskulturkammer - Chambre de la culture du Reich. Malgré son assiduité, son art a été catalogué en 1937 par les nazis comme étant de la "Negerkunst - l'art des nègres" et de la "entartete Kunst - de l'art dégénéré".

Ces arrangements opportunistes et politiques avec le régime nazi ne sont pas montrés dans cette exposition du Centenaire du Bauhaus !
L'Allemagne se glorifie, se chante et s'écarte de plus en plus - que ce soit par les élections législatives, régionales et municipales de ces 5 dernières années
qui propulsent le parti AfD ouvertement néonazi, ou que ce soit par des commémorations culturelles de cette haute ampleur -
de son devoir de mémoire, et réécrit une ligne de partage des mondes qui est infranchissable et opaque de part en part et de part et d'autre.
L'Allemagne ne met en scène avec le Centenaire du Bauhaus qu'un mouvement humaniste, humain, moderne, créatif, productif
qui s'était érigé avec l'Homme fonctionnel dans un espace mis à sa mesure contre le refus des massacres de la guerre suite au premier conflit mondial de 14-18.

A mon sens Schlemmer s'était éclaté le cerveau et n'avait plus jamais retrouvé la douceur dans la forme du silence.
Sa quête de la pureté de la mise en forme de l'Homme s'est à mon avis effondrée dans un dysanthropisme de l'Homme dépersonnifié, démis de toute personnalité.
Sans doute que dans sa vision de l'Idéal Humain dans un Monde nouveau et rationnel, tel qu'il le professait, était inscrit depuis l'origine le plan du toboggan primordial vers ladite "race supérieure".
Schlemmer a fini atterré devant la violence anthropique aveuglante, occlusive et excluante, ce qui ne l'avait pas empêché de travailler dès le début de la seconde guerre mondiale
à Stuttgart dans une entreprise de peinture pour faire des badigeonnages de camouflage destinés à la Wehrmacht...
Schlemmer n'avait pas quitté l'Allemagne nazie quand il était encore temps comme d'autres artistes l'avaient fait.
Il en avait pourtant les moyens et il jouissait d'une renommée internationale que ce soit à Londres ou à New-York.

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L'escalier bleu de Oskar Schlemmer est pour moi un interrogatoire sans fin. Son silence est doux, tendre, calme, ouvert, voluptueux.
Pourtant Oskar Schlemmer l'avait vite peint en 1933 avant que les nazis ne saccagent et ferment à Dessau le Bauhaus.
A lui tout seul ce tableau est pour moi un sommet de phénoménalisation adjuvante de plusieurs mondes où ténèbres, lumière, ombre se lissent l'un l'autre.

Mon expédition septentrionale de cet automne 2019 à vélo concourt à tous ces questionnements
face au Bauhaus, à Oskar Schlemmer ou que je vous expose depuis Helsinki,
face au Croisé lors de retour sur l'île de Gotland de "Det sjunde inseglet" d'Ingmar Bergman 
ou face au "En dåres försvarstal" d'August Strindberg (le septième sceau / le plaidoyer d'un fou).

J'ai écrit avec le vélo depuis un mois un roman anthropique en coïncidence non fortuite avec FFF -  Fridays For Future
de Greta Thunberg pour laquelle le climat, la seule mesure de toute chose, permettra simplement à l'Homme de vivre et de survivre.
Mon vélo est ma plume héliophile emportée par ma détermination et mon ombre.
D'articles en articles la pensée se cherche et se trouve, par quelque chose en quelques points et sur quelques endroits, en dessous et au-dessus des éléments.
J'en suis étonné par la forme mais pas au fond. Je crois qu'avant tout, la bonne nouvelle est là.
Il se peut bien qu'à mon retour elle se redirigera de nouveau en ma peinture ontologique avec mes pinceaux.

Je vous ai écrit deux ou trois fois depuis Helsinki que depuis que je respire je me sens être tendu sur le fil du paysage dans une gondole de téléphérique
de par laquelle personne ne me voit et de laquelle je ne regarde pas dehors, ou bien dans laquelle personne ne regarde et depuis laquelle je ne suis pas perçu.
Tout ceci plongé dans une impossibilité de phénoménalisation. Mais cette impossibilité devrait ne pas être considérée comme lacune
mais comme une nouvelle ligne de partage de deux mondes, du monde de l'être et du monde de l'apparaitre,
en sachant que lumière et ténèbre sont tout autant dans l'en-dessus que dans l'en-dessous.

Oskar Schlemmer a un raconté analogue sur lui-même: "Le noyau de mon être – mon intimité même – est enclos dans une coquille déposée par le monde extérieur.
Mon art est sans doute ce qui reflète le mieux ce noyau. Car c'est précisément dans la Forme que ce noyau, invisible et non su, se présente
."

Comme je vous ai expliqué dans mon brassage sur le champ des mégalithes d'Ale près d'Ystad, la ligne du partage des mondes est multiple, et lumière et ténèbre sont tout autant au-dessus qu'au-dessous. C'est pourquoi j'avais élevé à Ale ce mot pluriel "ténèbres" au singulier, car pour moi la lumière et le ténèbre se font face et s'entremêlent à égalité dans des réseaux très denses et actifs de microcontinuités dont nous sommes maître d’œuvre et maître d'ouvrage.

Ce "s" du pluriel postposé au mot "ténèbre" est un piètre augmentatif parce que l'homme incapable d'appréhender l'ombre, le sombre, n'a rien trouvé de mieux que d'embrouiller son discours sur son propre emplacement à la surface de la terre en fardant le mot "ténèbre" d'un pluriel qui n'est pas le sien.

La lumière omniprésente demeure à la surface dans l'imaginaire de l'homme, mais ténèbres au pluriel n'est pas la phénoménalisation de la nuit, mais, dans l'imaginaire, de ce qui se passe sous terre sans doute près du chemin sans retour des tombes. Et alors?

Une expédition lointaine à vélo forme dans l'espace, le paysage et le pays un mouvement holistique à l'air libre, et tout en passant devant les gens on reste au secret et sans forme mentale. Sur ce marché, la prise de conscience et de parts sociales se matérialise mais les portefeuilles sont plus séparés que jamais que ce soit à l'étranger comme dans la région à domicile. Le vélo et le pinceau sont une couture d'étoffes inconnues et méconnaissables.

Peut-être que ce voyage d'un mois à vélo m'aura permis cet automne depuis Helsinki de sonder l'agglutinant anthropique avec mes visions du dessus et du dessous du Cercle Polaire et m'autorisera à dépeindre l'homme avec ma peinture herméneutique pour faire parler les signes et les sens qu'il se donne, qu'il oublie, délaisse et ignore.

Peut-être que cet herméneutisme de l'huile se révélera être l'anagramme de cet anthropisme par lequel l'homme enlacé et inauthentique se découd dans son banal. L'humain est un string-shooter et de sa nasse qu'il se tisse autour de lui il se raconte quelque chose qui lui paraît être assez sensible pour que ce soit son monde, son biotope mental.
Je me sens être moi-même un anagramme qui demande le fil.

Om ni bara visste! Ce qui est bien avec la littérature, c'est que l'on se fait plaisir avec des mots dans un process de phénoménologie active. Je suis un receveur d'impressions et un transpondeur qui ne répond pas aux lois.
J'étends l'espace et le corps entre signifiant et signifié, mais j'ai peur du langage et je l'évite car chaque mot pèse.
Avec la peinture chaque couleur est arrêtée. Pour de bon.

Voir un de mes montages vidéo ici, support de cours pour mes étudiants, avec l'Escalier bleu du Bâtiment du Bauhaus et avec le Ballet triadique

Regardez ci-dessous dans mes photos de photos la microcontinuité des doigts du photographe.
Il faut toujours être vigilant sur ses fluidités naturelles, fortuites ou induites! On ne sait jamais jusqu'où se conduit "la coquille déposée en soi par le monde extérieur".
Une telle conscience des transcontinuités ne peut que s'acquérir en ayant sondé les yeux tout grand ouverts les lointains et les proximités.

Et maintenant, insoumis, je vais me lever de table au restaurant du Bâtiment du Bauhaus, avec un air très inspiré. Mais c'est pour aller pisser.

Le 11 XI 2019 à 19h un jeune veau vivant coûte 7,99 €. Combien rapportent à la France le génocide et les morts au Yémen?

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Commentaires

1. Le 2. novembre 2019, 07h58 par Thåmas

 

 

Pour clore mon Det sjunde inseglet, mon Septième sceau,
j'ai été secoué dans le lit 5 fois latéralement et le mobilier a grincé.
Il y a eu à Dessau cette nuit de ce 2 novembre à 5h 08 un léger tremblement de terre.

 

- Vem är du?

- Jag är döden.

- Kommer du för att hämta mig?

- Jag har redan länge gått vid din sida.

- Det vet jag.

- Är du beredd?

 

 

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2. Le 11. novembre 2019, 16h59 par Thåmas

Webcam au Cap Nord, le 11 XI 2019 à 12h30 >>> clic .

 

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3. Le 12. novembre 2019, 14h51 par Thåmas

Un autre tremblement de terre a eu lieu dans ma ville à Strasbourg ce mardi 12 XI 2019 à 14h37: magnitude 4.0

Pour ma part c'est le plus important tremblement de terre que j'ai connu.

Un gros bruit comme si à l'étage au-dessus s'était écroulé une lourde armoire,
et j'ai été secoué de gauche à droite sur ma chaise, étant assis au bureau devant l'ordinateur.
Toute la maison a bien bougé, ce n'était pas juste une vibration.
Si moi j'ai bougé de la tête de quelques centimètres, la flèche de la cathédrale située 160 mètres plus haut a sûrement bougé plus.

En étant assis j'ai vu le mur aller dans l'autre direction que ma tête.

D'après les scientifiques ce sont les travaux de forage géothermiques qui ont induit ce tremblement de terre. La presse locale est plus floue.
Deux nouvelles lignes entre deux fois deux mondes tentent de départager quelque chose qui nous concerne.

 

 

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