Le poète Gustaf Fröding à Karlstad dans le comté du Värmland
Par Thåmas le 10. août 2017, 19h53 - Catégorie : Sommaren 17 - Det är ödet - Lien permanent
När sorgen kommer, som när natten skymmer i vilda skogen, där en man går vill, vem tror på ljuset, som i fjärran rymmer, och sken som skymta fram och flämta till? På skämt de glimta och på skämt de flykta, vem tar en lyktman för en man med lykta?
Tröst – Gustaf Fröding
La seconde moitié était plus dure à traduire: "Quand la tristesse arrive comme quand la nuit obscurcit la forêt sauvage où un homme veut aller. Qui croit en la lumière dans des maisons qui brille comme dans un souffle coupé? Par plaisanterie elles clignotentent, par plaisanterie elles fuient. Qui prend un feu follet pour un homme avec une lanterne?
Feu follet = lykt + manne en norvégien, lanterne + homme.
Si vous me lisez depuis le début de cet été et même depuis les étés précédents, vous voyez qu'en si peu de mots, Gustaf Fröding associe aussi mouvement, lumière, volonté, croire, sauvage, fuire, aller vers, impression, illusion.
Ceci explique pourquoi la comète vue de la terre en janvier 2007 a été nommée Fröding.
Vous voyez que depuis trois semaines je développe l'idée des arrangements du destin qui me font croiser en Suède des chemins avec le mien dans une nécessité qui s'éloigne bien du hasard. Hier j'ai pu formuler au mieux en français et en suédois ma définition du destin qui ameuble mon esprit depuis si longtemps: "le destin, c'est l'étirement du passé vers une nouvelle lumière / Öde som sträcker sig från det förflutna in i ett nytt ljus."
Et voilà que mon voyage à l'aveuglette du Plan B de cet été 2017 me conduit maintenant à Karlstad sur Gustaf Fröding.
Dans l'Encyclopédie Universalis je trouve ceci au sujet de Gustaf Fröding: "Il y a du Baudelaire, du Verlaine, du Heine chez Fröding, poète suédois accablé d'une lourde hérédité, alcoolique instable et finalement terrassé par la schizophrénie. Mais tout compte fait, c'est à la Suède, à son Vermland natal qu'il doit le meilleur de son inspiration, quantité de ses thèmes et son extraordinaire musicalité. De là vient qu'il soit si mal connu à l'étranger, si malaisément traduisible aussi : encore bien plus que sa contemporaine Selma Lagerlöf, il est enfant de la Suède.
Le régionalisme demeure à ce jour l'une des sources d'inspiration les plus fécondes de la Muse suédoise, il nous vaut régulièrement de belles œuvres pittoresques et riches de chaleur humaine qui constituent certainement l'une des hautes originalités d'une littérature menacée sans cela d'inféodation aux grandes modes contemporaines. C'est à Fröding qu'elle le doit.
Fröding a su, dans de nombreux recueils de poèmes donner libre cours à un humour dru, directement jailli du terroir, qui est aussi l'arme dont il se sert contre le désespoir de ne pouvoir réconcilier les cruelles antinomies qui lui gâtent sa vision du monde, Humour ou parodies savoureuses: il prend ainsi ses distances vis-à-vis d'une réalité trop méchante. S'y ajoute un art parfaitement élaboré, fruit d'une remarquable maîtrise des possibilités plastiques et musicales de la langue suédoise où il faut voir, en profondeur, un amour intense de la vie naturelle, une joie d'exister hic et nunc, au-delà de la souffrance et du désaccord. Attitude pathétique et bien moderne qui exige toujours une double lecture du poème; derrière les servitudes de la réalité, au niveau de l'expression même et de l'insidieuse provocation des sons, persiste un chant invincible."
C'est dans mes cordes, que tout ceci. Je me sens apparenté à Fröding.
Je suis content que mon voyage à l'aveuglette de cet été me conduise vers les deux peintres suédois qui comptent le plus pour la Suède, Carl Larsson et Anders Zorn, et les deux auteurs sui comptent le plus pour la Suède, Selma Lagerlöf et Gustaf Fröding.
Gustaf Fröding passe aussi pour être le "poète maudit" puisqu'il a fini dans la démence et l'alcoolisme. Mais... Jean Sibelius, le compositeur finlandais a mis plusieurs de ses poèmes en musique. J'ai visité sa maison et son musée il y a deux étés près de Helsinki à Järvenpää. Je vous ai longuement entretenu les étés passés de Jean Sibelius, dont j'ai fait le portrait au crayon sur une toile cet hiver. Il n'attend plus que mes pinceaux qui ont du mal à repousser. Je m'imagine un tableau terminé avec Sibelius, Zorn et Fröding, cet hiver prochain pour accomplir mon voyage.
Et Edvard Grieg, le compositeur norvégien, a aussi mis Gustaf Fröding en musique. J'ai visité sa propriété et son musée près de Bergen il y a 8 ans quand je rentrais des Îles Lofoten en Hotchkiss de 1925.
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Vous avez compris qu'en ayant quitté la bicyclette comme vecteur de promotion arctique où la lumière a pris place à toute tristesse, à tout désaccord, j'ai changé de régime et suis entré dans les choses et la forme depuis la visite il y a trois semaines en Allemagne du Fagus-Werk construit par Walter Gropius en 1911 au début du Bauhaus. La nature n'a pas de forme, elle est, même si malheureusement nous passons par des mots pour la décrire et la réduire. Là haut, au-dessus du Cercle Polaire mon esprit n'était plus ameublé par des choses et surtout encore moins pas par des mots. Le Bauhaus s'est proposé comme une nouvelle forme occupante, orthogonale, de l'ameublement intérieur et extérieur, mais en tous cas pas en-dessous ou au-dessus des éléments, sauf peut-être Oskar Schlemmer avec son Ballet Triadique, dont j'ai vu l'exposition cet automne au musée Tadeusz Kantor à Cracovie, mais que je connaissais de bien d'avant.
Avec mes expéditions arctiques à bicyclette j'ai pu être en dehors de la forme, et n'est-ce pas, en pensant à ce que je découvre de Gustaf Fröding, une voie douce de contourner une schizophrénie?
Mes voisins de camping ont rapproché du parvis de leur roulotte tractée un ameublement qui fait apparaître et disparaître. Ceci doit être un univers où tout y est. Du désir à la puissance. Sans le désaccord.