De Rostock à Helsinki
Par Thåmas le 11. juillet 2010, 07h15 - Catégorie : Summer 10 - Lapland - Lien permanent
La traversée de 1265 kilomètres se fait en 31 heures. The sea is flat. Dans le ferry est diffusé en boucle des chansons en allemand pour camionneurs, des Liebes-Schnulzen - des resucés d'amour, qui disent "dieses Kribbeln im Bauch", cette démangeaison dans le ventre, "wenn wir schon den Gefrierpunkt erreicht haben", quand nous avons déjà atteint le point de congélation.
C'est sûr, il faut du lourd pour sortir de l'apnée éthylique les camionneurs russes bien pétés. Et ces sottises d'amour doivent être suffisamment nostalgiques qu'elles touchent directement la mélancolie slave sans réfléchir. Leurs collègues est-allemands doivent leur mimer une traduction simultanée.
Hier, pendant l'attente du check-in, je me suis senti scruté au microscope à balayage électronique comme pour une imagerie à résonance magnétique. Je me disais, ces grands singes blonds (les finlandais) me regardent comme un demeuré. Je me sentais comme un chinois au Zimbabwe.
Mais après 4 heures d'attente ils sont venus à moi, m'ont souri, et posé des questions intelligentes sur la Hotchkiss, pas comme les français qui veulent toujours savoir si j'ai la clime. Les finlandais rient alors vite de bon cœur.
Un russe, plutôt du genre touriste, mais avec la voiture surchargée de canettes en aluminium de bière jusqu'au plafond, était visiblement très ému, aphone, hyper discret, peureux de faire des photos sur tous les points de soudure de la voiture. A cet homme je lui ai apporté le bonheur.
A Helsinki, je vais au camping en bord de mer et j'y reste deux jours. Le musée "Atenium" (orthographe à vérifier) est sensé contenir beaucoup de peintres impressionnistes scandinaves et baltes.
Lors d'une expédition en Vintage Car, il faut être comme un coureur cycliste du Tour de France, et se réjouir de son maillot jaune ou à points de dalmatien rouge, et ne pas penser au lendemain. Chaque étape est une victoire. Les peines à venir seront déjà à la hauteur de l'effronterie. De toute manière arrivé à Helsinki puffin-Express aura fait plus de télétransportation que de route. Donc il lui reste tout à prouver.
Je vois sur mon logiciel d'analyse de fréquentations de mes sites web, qu'un surfeur suédois se logue sur mon site et sur mon Forum Hotchkiss jour et nuit depuis 5 à 6 jours. Je l'invite à écrire un comment et à me laisser son adresse. D'après Google Maps il habite dans la région du grand lac. Ce serait bien pour faire une étape technique au retour de la calotte arctique. Hop, un petit effort. Pour le rassurer, je confirme que j'avais suivi en temps réel tout un samedi le mariage de la Princesse Victoria Bernadotte avec son prof de gym, Daniel Westland, manager qui a monté plusieurs salons de culturisme. Victoria était anorexique, mais ouvre la bouche de nouveau depuis qu'elle a dit Oui.
Après 8 heures de mer nous voyons à tribord la Pologne et à babord l'île suédoise de Bornholm. Nous dépassons les porte-conteneurs, mais ils sont totalement vides ou il n'y a qu'une couche de conteneurs dessus. Le Superfast Ferry croise bien plus vite, mais les porte-conteneurs sont en sous-régime. Ils font partie de ce slow steaming ou de cette ghost fleet. D'ici 1O heures nous verrons les pays baltes et la biélo-russie d'un côté et de l'autre côté Aaland qui vit sous un régime autonome attaché à la Finlande.
Après 12 heures de navigation, - nous sommes Dimanche 14:00 - le ferry traverse la zone de la Baltique où mon grand-père paternel avait été torpillé deux fois par les russes, chaque fois sur un autre navire de guerre, lors de la 1ère guerre mondiale. But he was both times rescued!
La traversée est l'une des plus agréable que je vive. Les russes sont au fond des bannettes, peut-être roulé dans le vomi de bière à pas cher. PAR CONTRE, il règne sur ce ferry une ambiance discrète, silencieuse, pas du tout oppressante. Personne ne parle un ton plus haut qu'un autre. En réalité on entend parler à voix basse. Bien sûr les enfants aussi. Ce peuple est calme, n'agresse pas du regard, sourit, rit. Chacun utilise son lap-top, mange une pâtisserie, boit son café. L'année prochaine, je le sais, je rentre de nouveau en Scandinavie par Helsinki. Au Lounge, au upperdeck-bar, au restaurant, au salon, personne ne tétanise des pieds sous le table, personne ne bat du pied la mesure de la musique d'ambiance. Ils ont des pieds, eux aussi, mais c'est pour les laisser tranquilles quand ils ne marchent pas..
Il y a partout des dalles plasma qui diffusent des films, des programmes, des journaux télévisés. Ils regardent la TV, mais il n'y a pas de son, il n'y a que la musique d'ambiance des coursives aux toilettes pressurisées. Ils n'ont pas besoin d'entendre pour comprendre. A l'autre bout du salon, je regardais les pieds d'un finlandais. Je ne regardais pas, mes yeux étaient perdus dans le vide. Il m'a regardé fixement, mais sans affect particulier, dans les yeux pour me dire d'arrêter de regarder ses pieds, ou pour me dire que le contact entre humanoïdes est établi.
A 18:30 nous sommes entre la Lituanie et l'île de Gotland, qui appartient à la Suède et que l'on ne voit pas. Cette nuit, un pigeon, un vrai, dormait au départ de Rostock sur la rampe d'une coursive. Maintenant il est toujours sur le ferry et va être infiltré illégalement en Finlande.
Ce soir, il doit y avoir un match important de foot. On entend les finlandais retenir leur souffle et faire un petit applaudissement. D'où je suis, je ne peux voir aucun écran plasma, mais j'ai l'impression qu'il y a beaucoup de buts. Est-ce un parcours à trous?
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