23. octobre 2024
Bunge Slite Hangvar Kappelshamn Blå-lagunen Bungenäs Fårösund Bunge
2318 km en 29 jours de route, 5 semaines et 3 jours depuis le 9 IX 2024 avec mon vélo à traction animale.
Aujourd'hui j'ai été en état de manque. Selon le dictionnaire Larousse >>> Être en état de manque, être privé de quelque chose qui est nécessaire comme une drogue, en ressentir douloureusement la privation. Il n'y a plus d'oies dans le ciel. Il n'y a plus les incessantes rondes d'oies dans le ciel. Il n'y a plus leurs envols et leurs atterrissages précipités et en apparence totalement incohérents. Il n'y a plus leurs cris furieux, passionnés, joyeux qui appellent de près leurs copines et de loin leur terre promise pour accomplir leur migration d'hiver. Je suis triste. Les oies ont traversé la Baltique pour rejoindre la Pologne, l'Allemagne, le Rohrschollen à Strasbourg. Ces milliers d'oies qui m'ont apporté à mon égard depuis le 9 septembre avec leur largo espressivo leur reconnaissance humble, assidue, persuadée, sont parties au loin. Le petit aéroport de Fårösund qui par semaine de grande affluence voit un monomoteur de tourisme Cessna, est devenu silencieux et a laissé le bruit au vent et aux feuilles fanées qui roulent sur le tarmac.
Aujourd'hui j'ai fait 102,5 kilomètres par 10°, toujours sans gants et sans cache-nez. J'ai une santé "éblouissante" à 71 ans. Il y a eu de nouveau un vent de 60 km/h, mais venant cette fois-ci directement de l'ouest. Comme Gotland est dirigée tout droit verticalement du nord au sud, on peut s'arranger pour faire un AR +/- parallèle du nord au sud, avec de courtes traverses. De toute façon il n'y a pas de grand choix pour les routes. Et de toute façon j'ai toujours préparé mes virées en prenant en compte le vent et/ou en choisissant le vent de face pour l'aller. J'ai donc eu un fort vent de travers et j'ai navigué avec une allure portante pour le trois derniers quarts (2 x largue, 1 x vent arrière), tout en passant du littoral est au littoral ouest. J'ai été champion universitaire de voile sur dériveur 5O5 sur le grand lac lorrain de Dieuze. Evidemment, un sale caractère se démarque souvent.
Quand j'étais allé par la route en 2008 depuis Strasbourg avec ma Hotchkiss AM2 de 1925 dans les Îles Féroé, j'avais vu au camping de Tórshavn un vieux Monsieur avec son vélo et une énorme béquille de handicapé qui pointait à l'arrière de son porte-bagages. Je lui avais demandé pourquoi. Il m'avait répondu en allemand "ja, beim Gehen klappt es nicht mehr so richtig, aber auf dem Rad'l schaffe ich es noch". Ce Monsieur était venu par la route de Vienne en Autriche, avait traversé l'Allemagne, la France, l'Angleterre, les Midlands, les Highlands, l’Écosse jusqu'au port écossais de Thurso pour prendre comme moi le ferry pour Tórshavn. Il avait 71 ans. C'est là que je m'étais dit "moi aussi". Je n'avais pas attendu 71 ans et à 58 ans j'avais commencé mes expéditions arctiques à vélo, vélo biomécanique bien-sûr.